L'ingénierie territoriale... ou comment faire preuve d'intelligence collective

Pour mobiliser et fédérer des acteurs locaux autour d'un projet de développement construit et adapté à leur territoire, il ne faut pas seulement des moyens techniques ou financiers, mais surtout des moyens humains, au coeur de la notion d'ingénierie territoriale.

Pour en finir avec la simple "chasse aux subventions"...


Dans un article, les auteurs d'un ouvrage sur L'ingénierie, signe d'intelligence territoriale ? indiquent combien le développement local dépend des animateurs, chargés de mission et autres techniciens en charge "de l'animation, de la fabrication du lien, de la mobilisation de la connaissance".

Pour eux, la réforme des collectivités territoriales pourraient conduire les collectivités à privilégier l'ingénierie financière et le montage de dossiers de financements, en négligeant l'accompagnement et l'animation des acteurs et des projets.

Or cet aspect de l'ingénierie territoriale leur paraît primordial. Ils encouragent donc les régions à substituer à "l'obligation de consommation", caractéristique des appels à projets classiques, une "obligation de conditions", consistant avant tout pour les acteurs bénéficiant de financements régionaux à se doter des moyens humains et des compétences nécessaires à l'émergence de projets de qualité.

Osons l'intelligence collective dans les territoires. La Lettre du cadre territorial, 15 mars 2011, 2 pages
disponible 2 mois en copie pour les agents de développement rural en Rhône-Alpes


Le développement local ne s'improvise pas !


L'ouvrage en question ci-dessus résulte de travaux de recherche effectués dans le cadre du projet IngéTerr, dans lequel le CRDR est impliqué en tant qu'acteur référent.
Ce projet s'inscrit dans le programme Pour et Sur le Développement Régional (PSDR). Il propose plusieurs définitions de l'ingénierie territoriale, à la fois outil de connaissance et d'aide à la décision pour des projets de développement local, et explore la notion de compétence territoriale.

Le premier chapitre de l'ouvrage retrace à grands traits l'histoire du développement local, impliquant "la définition d'objectifs de projets par les acteurs locaux  eux-mêmes" et la naissance du métier d'agent de développement. Il pointe le risque de "confusion entre processus et procédure de développement territorial", ou encore de "bureaucratisation" et de standardisation des démarches.

Ainsi, mutualiser ou diffuser un grand nombre d'informations sur le développement territorial ne suffit pas pour mobiliser les acteurs locaux et leur donner de nouvelles compétences et connaissances. Au contraire, "diagnostics, surinformation et prospective" tendent à "routiniser" le développement, sans pouvoir se substituer à l'expérience accumulée par des agents de développement.

Le deuxième chapitre explore différentes facettes de l'ingénierie territoriale, à partir de cas concrets :

  • l'ingénierie d'action, pour la réalisation concrète des projets : maintenance de la voirie, gestion d'une crèche
  • l'ingénierie de projet, pour coordonner les interventions de différents acteurs poursuivant le même objectif
  • l'ingénierie organisationnelle, inscrite dans le temps long, pour favoriser l'émergence et le développement de projets

Dans tous les cas, l'expertise de cabinets d'études ou d'acteurs locaux doit être valorisée et assimilée collectivement pour être utile. Et l'ingénierie territoriale vise à rendre les acteurs capables de "mobiliser les ressources à bon escient selon les situations dans lesquelles ils se trouvent".

Un troisième chapitre donne une autre définition de l'ingénierie territoriale, à partir d'une analyse de la notion de compétence, individuelle ou collective. L'ingénierie territoriale, "faite de méthode, de dispositifs, d'outils (...) est aussi et surtout faite du sang chaud des acteurs".

Elle accroît la compétence collective sur un territoire donné, en :

  • accompagnant et facilitant le fonctionnement en réseau
  • facilitant la prise de décision et de responsabilité

Le quatrième chapitre analyse quatre projets de développement local en Rhône-Alpes :

  • la valorisation de la chataîgne dans les Monts d'Ardèche
  • la mise en place de l'AOC Bleu du Vercors Sassenage
  • le développement d'une offre de paniers gourmands dans le Massif de Chambaran
  • la valorisation du velours d'Urfé

Les chercheurs notent que "les conditions d'ingénierie pour accompagner la construction d'une compétence collective, pour être nécessairement coordonnées, n'impliquent pas pour autant de coordination à l'échelle d'un quelconque territoire de projet".

Enfin, un dernier chapitre aborde à nouveau les évolutions possibles de l'ingénierie territoriale, et en particulier :

  • le risque de financiarisation et de bureaucratisation du développement local
  • la tentation d'imposer des projets aux acteurs de terrain, plutôt que d'accompagner la construction d'une compétence territoriale

Il conclut sur l'enjeu stratégique que représente la formation des agents de développement : soit elle les aide à "établir des passerelles entre le monde scientifique, le monde politique et la société civile", soit elle en fait "des administrateurs de procédures et des fonds publics qui les accompagnent".

L'ingénierie, signe d'intelligence territoriale ?
Claude Janin, Eric Grasset, Dany Lapostolle et Elise Turquin, Editions Economica, 2011, 142 pages, 19 euros


Cet ouvrage vous intéresse ?
Sachez que vous pouvez en faire la demande auprès du CRDR, qui vous le fera parvenir gracieusement par la poste.