Financer son projet agrirural grâce à l'épargne citoyenne : témoignage
Le "crowdfunding". Indéniablement un terme en vogue. Et pour les entrepreneurs agriruraux, est-ce une opportunité ?
Traduit en français par "financement participatif", ce mode de levée de fonds peut décrire des dons, des prêts, ou des investissements en capital. Le point commun : un groupe plus ou moins large de particuliers est sollicité pour cofinancer le projet.
- Le projet est entrepreneurial - ou pas.
- Le financement est rémunéré ou solidaire.
- La collecte passe par un site internet - ou pas.
La création d'une entreprise agrirurale est donc simplement un cas particulier qui peut susciter la mobilisation de cette épargne. Face à la raréfaction des crédits publics et à la frilosité des banques face à ces projets atypiques, la souplesse des particuliers est particulièrement attrayante. Et puissante, si l'on en croit les témoignages de ceux qui l'ont expérimenté (voir ci-dessous).
Pour autant, l'engagement est à bien réfléchir côté entrepreneur et côté particulier financeur. Et la réglementation nationale en matière de collecte d'épargne est à prendre en compte (voir le Guide du financement participatif, édité en 2013 par l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution). Pour mieux comprendre les règles du jeu et faire le tour des plateformes internet existantes, voici deux sites qui recensent et expliquent :
Sabine Couvent, entrepreneuse drômoise, témoigne : « Ne sous-estimez pas les capacités de votre réseau ! »
Pour financer son bâtiment de production et transformation végétales, Sabine Couvent, cultivatrice de plantes à parfum, aromatiques et médicinales, a réuni 30 000 € en deux mois en sollicitant son réseau de connaissances. |
Cohérence maximale
A La Bégude de Mazenc, dans la Drôme, Sabine Couvent et son compagnon cultivent depuis quatre ans des plantes aromatiques, médicinales et tinctoriales, du raisin de table et des légumes, le tout en agriculture biologique. Centré sur les valeurs de respect et de proximité avec la nature, le projet pousse la cohérence écologique le plus loin possible : traction animale, vente directe, habitat léger, recyclage, autonomie pour l’eau et l’électricité, et un bâtiment de transformation fabriqué en matériaux écologiques.
Justement, ce joli bâtiment a coûté à Sabine la coquette somme de 115 000 €. Pas une paille pour une jeune entrepreneuse ! Et même si sa banque (La NEF) lui prêtait 20 000 € sur 15 ans à un taux revu à la baisse grâce au soutien de l’association des sociétaires, l’emprunt court terme représentait une grosse somme d’argent, dont les intérêts n’étaient tout simplement pas supportables pour Sabine.
Alors, pour financer son projet, Sabine a spontanément pensé à l’épargne solidaire. Elle connaissait les plateformes de crowdfunding sur internet, mais « la plupart prélèvent une partie de l’argent pour se financer, et je n’avais pas confiance dans la traçabilité de l’argent versé par les contributeurs ».
Elle choisit donc de solliciter son réseau d’amis et de connaissances (« pas la famille proche, avec qui la dette est compliquée à gérer humainement »). Eux-mêmes ont relayé à leurs connaissances, avec un effet de buzz impressionnant.
Ce qu’elle leur a demandé
Sabine a simplement présenté son projet, ses besoins, et elle a demandé des prêts (si possible à taux zéro), avec la promesse de rembourser sous 12 à 15 mois (il s’agissait de financer l’avance des subventions publiques obtenues pour la réalisation du bâtiment).
Il aura suffi de 3 ou 4 mails et de quelques coups de fil, pour réunir 30 000 € en moins de deux mois auprès d’un premier « cercle » de 5 prêteurs. Un second cercle de 6 ou 7 personnes proposait de lui prêter des sommes inférieures. Leur profil ? « Des gens qui auraient rêvé de faire ce type de projet ».
Face au nombre de proposition de prêts, elle a privilégié la simplicité en choisissant d’emprunter de plus grosses sommes à moins de personnes. Des reconnaissances de dette ont été signées, et les remboursements ont effectivement eu lieu un an plus tard.
Petits avantages collatéraux
Lors de la construction du bâtiment, tous les deux mois, Sabine réalisait des petits reportages sur le chantier, avec interviews et photos, qu’elle transmettait aux prêteurs pour les informer de l’avancée du projet. Initiative très appréciée. Et bien entendu, Sabine a aussi fait de petits cadeaux à ses prêteurs. « Ils sont toujours les bienvenus sur la ferme ! »
Au financement proprement dit s’ajoute le plaisir de constater qu’autant de personnes lui font confiance, et de mesurer l’enthousiasme suscité par son projet. « Au début, je n’osais pas parler des besoins financiers pour mon projet. J’avais peur de quémander, et qu’on me réponde « pour qui tu te prends ? ». Au bout d’un moment j’ai accepté qu’il ne faut pas faire les faux modestes : après tout, pourquoi ne pas parler de mon projet tel qu’il est ? »
Aujourd’hui, si Sabine avait un conseil à donner aux porteurs de projet : « Ne sous-estimez pas les capacités de votre réseau ! ».
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Mots-clés: agriculture, financements