Mission d’étude sur les monnaies locales complémentaires et les systèmes d’échange locaux
Effectuée à la demande de la Ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité et de la Secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, cette mission avait pour objectif d’établir un état des lieux des dispositifs et des territoires concernés, d’identifier les risques et les opportunités que représente le développement de ces initiatives, d’envisager des actions que pourraient mener les pouvoirs publics. Dans son rapport intitulé "D’autres monnaies pour une nouvelle prospérité", elle distingue quatre catégories de monnaies : celles ayant vocation à circuler entre citoyens et commerçants ou producteurs ; celles tournées vers les échanges inter-entreprises ; celles thématiques (pour le développement de la consommation de produits ou de services d’une filière particulière) ; celles ayant vocation à être utilisées seulement pour des services ciblés (titres restaurant…). A lire dans ce rapport : pourquoi développer de nouveaux systèmes d’échange, quels sont les données chiffrées actuelles sur ces échanges, les 12 propositions avancées par la mission d’étude.
Pourquoi développer de nouveaux systèmes d’échange ?
- Localiser les transactions, en privilégiant l’usage local de revenus tirés d’une production locale. Il s’agit de renforcer un circuit complémentaire au circuit économique courant. Les monnaies locales complémentaires (MLC) cherchent à articuler les espaces de formation des revenus, et les espaces de dépenses de ces mêmes revenus. Les mécanismes de MLC favorisent ainsi l’intégration des demandeurs et des offreurs locaux ;
- Dynamiser ces échanges au bénéfice des populations, et pour cela refuser l’accumulation, la conservation et la concentration de la richesse. Ainsi, les MLC tentent de montrer leur capacité à générer du développement économique local, du développement humain et du développement social à travers différentes formes d’engagement ou d’auto-organisation collective ;
- Transformer les pratiques et les représentations de l’échange, notamment en orientant la consommation de manière à la rendre plus « responsable », c’est-à-dire plus respectueuse d’un développement durable et plus éthique. Les MLC visent en ce sens à faire émerger de nouvelles relations entre les partenaires des échanges en promouvant la constitution de liens interpersonnels dans et par l’échange.
Quelques chiffres
Si le nombre de création de MLC augmente rapidement, en revanche l’impact des projets existants demeure modeste pour l’instant. Certes, ces dispositifs sont encore très récents mais l’enquête réalisée par la Mission en avril 2014 montre par exemple que la masse monétaire moyenne en circulation tourne autour de l’équivalent de 26 000 euros (avec un minimum à 1 600 et un maximum à 245 000 équivalents euros). Le nombre d’utilisateurs moyen tourne quant à lui autour de 450. Celui du nombre des prestataires impliqués (commerçants, producteurs) se situe autour de 90. Ces chiffres évoluent cependant très vite en raison de l’expansion forte de certains projets.
12 propositions
I. Faire vivre et évaluer l’application de l’article 16 de la loi relative à l’ESS du 31 juillet 2014
1. Accompagner et évaluer l’application de l’article 16 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014, et notamment les initiatives des collectivités locales (paiement des services publics locaux, des salaires des agents des collectivités et versement des indemnités aux élus locaux, etc.)
2. Élaborer un guide facilitant les démarches des porteurs de projet de monnaies locales complémentaires vis-à-vis des administrations concernées (ACPR, etc.).
II. Développer une meilleure connaissance des initiatives monétaires et leurs enjeux
3. Promouvoir un débat public sur le thème « D’autres monnaies pour une nouvelle prospérité » après que l’avis du Conseil Economique, Social et Environnemental soit rendu. Ce débat public pourrait pendre la forme d’un colloque associant des experts et des initiatives européennes
4. Réfléchir à la mise en place d’un observatoire pérenne sur les monnaies locales, les monnaies complémentaires, les systèmes d’échanges locaux et les systèmes base-temps afin de développer la connaissance de ces dispositifs novateurs, leur dynamique et leurs enjeux. Cet observatoire comprendra des porteurs de projet, des collectivités territoriales, des représentants des administrations et des experts.
III. Développer un appui méthodologique aux acteurs
5. Concevoir et tester une méthode d’évaluation partagée avec les parties prenantes sur l’impact social et citoyen des monnaies locales
6. Lancer une étude de faisabilité pour la conception de plates-formes régionales autofinancées de monnaies complémentaires
7. Engager une recherche-action sur les systèmes base-temps et l’implication des volontaires du service civique
8. Appuyer une démarche d’audit des richesses sur les territoires, initiée par les acteurs (Réseau des collectivités territoriales pour l’économie solidaire, Collectif richesse, etc.).
IV. Suivre les innovations monétaires des acteurs
9. Expérimenter la mise en place de Barters spécifiques pour dynamiser les Pôles Territoriaux de Coopération Économique
10. Réfléchir à la mise au point d’une monnaie affectée à la formation professionnelle des demandeurs d’emploi puis l’expérimenter dans une ou deux Région(s)
11. Expérimenter une monnaie facilitant l’accès au crédit et l’initiative économique auprès du réseau de micro-entrepreneurs de l’Association pour le Droit à l’Initiative Économique (ADIE).
12. Faire expertiser la proposition faite dans le cadre de la Mission d’une organisation monétaire territorialisée et basée sur la valeur sociale du carbone évité, en vue de la Conférence dite « COP21 ».
Pour en savoir plus : D'autres monnaies pour une nouvelle prospérité : mission d'étude sur les monnaies locales complémentaires et les systèmes d'échanges locaux, Jean-Philippe Magnen, Christophe Fourel, Nicolas Meunier. Ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, 2015, soit la version complète (306 pages), soit la synthèse du rapport.
Mots-clés: économie, ess, développement économique