Mobilités résidentielles des Français : souvent... mais pas très loin et selon affinités socioculturelles, elles creusent les inégalités entre territoires
Le "Rapport sur les mobilités résidentielles en France" produit par l'Observatoire des territoires du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) décrypte les tendances historiques et les inflexions récentes de ces mobilités et montre leurs impacts sur les territoires. Illustré de cartes et de graphiques, il explore de nombreux sujets et pointe leurs enjeux pour la cohésion sociale et territoriale. Plusieurs outils complémentaires accompagnent sa diffusion, notamment une application livrant les chiffres clés du rapport à l'échelle locale (intercommunalité, département, région) ainsi qu'un module logiciel permettant aux techniciens et analystes d'exploiter les sources utilisées dans le rapport et d'actualiser les indicateurs qui y sont publiés.
Principaux enseignements
- Les Français bougent : en 2014, 11% d'entre eux ont ainsi changé de logement, contre une moyenne européenne de 9%.
- Les mobilités restent majoritairement des déménagements de proximité. Surtout si l'on est peu diplômé. Et "moins on est diplômé, moins on déménage loin" (les cadres vont plus loin que les ouvriers, essentiellement pour rejoindre des métropoles).
- Le lien entre conjoncture et mobilité résidentielle s'est progressivement inversé : alors que dans les années 70 (comme aux États-Unis dans les années 30) la crise poussait à quitter son logement pour chercher du travail ailleurs, la crise de 2008 semble avoir aujourd'hui l'effet inverse et freiner au contraire la mobilité résidentielle.
- A l'exode rural massif, arrivé à son terme au début des années 70, a succédé un contraste urbain/rural beaucoup moins prononcé, remplacé par une fracture géographique séparant la France le long d'une ligne Caen-Grenoble. Au nord-est de cette ligne, de nombreux territoires en déficit migratoire. Au sud-ouest, des territoires affichant un solde migratoire positif, avec de fortes poussées sur les côtes de l'Atlantique et de la Méditerranée. A ce jeu des gagnants, l'Ouest et le Sud-Ouest l'emportent toutefois désormais sur le Sud-Est.
- Parce que "qui se ressemble s'assemble", les mobilités résidentielles "renforcent les contrastes de répartition des différents groupes sociaux".
Localtis écrit :
Si l'on zoome à l'échelle locale, l'Observatoire constate que "les mobilités résidentielles ont tendance à réduire les contrastes de dynamisme migratoire entre les territoires urbains, périurbains et ruraux, sous l'effet d'une tendance au desserrement de la population". En d'autres termes, le mouvement de périurbanisation, très prononcé dans les années 70, s'est étendu à l'ensemble des espaces situés en dehors des pôles urbains. Contrairement à une autre idée reçue, ces derniers connaissent une croissance inférieure à la moyenne, voire un déficit migratoire dans les grands pôles. A l'inverse les communes dites multipolarisées et isolées - autrement dit situées le plus loin de l'influence des pôles - "ont vu leur balance migratoire devenir tendanciellement de plus en plus excédentaire au cours des dernières décennies, jusqu'à rattraper la dynamique des couronnes des grands pôles urbains". Conséquence : "Les espaces ruraux, qui étaient les plus déficitaires au jeu des mobilités résidentielles il y a cinquante ans, étaient, dans les années 2000, en passe de devenir ceux qui y gagnaient le plus". Ce cycle pourrait toutefois toucher à sa fin avec la récente baisse de la mobilité résidentielle, qui affecte tous les espaces excédentaires.
A lire dans la synthèse du rapport :
"(...) Ce rapport souligne avec force comment les mobilités résidentielles, du fait de leur caractère extrêmement segmenté selon le profil des individus, creusent les contrastes socio-économiques entre les territoires. Cet accroissement des disparités territoriales par les mobilités résidentielles présente un risque pour la cohésion sociale et territoriale du pays. Il appartient alors à la puissance publique, dans toutes ses composantes, de lutter contre ces effets ségrégatifs qui, notamment, alimentent le sentiment de mise à l’écart de certaines catégories de la population."
A lire :
- Le rapport de l'Observatoire des territoires analyse les impacts des mobilités résidentielles en France, Observatoire des territoires, 22 février 2019
- Mobilité résidentielle des Français : souvent... mais pas très loin et selon affinités socioculturelles, Jean-Noël Escudié, Localtis, 25 février 2019
- Les mobilités résidentielles, reflet des évolutions territoriales, Delphine Gerbeau, La Gazette, 22 février 2019