Etude de l’Insee en Rhône-Alpes sur l’équation emploi, logement et le transport domicile-travail
L'Insee a publié en juin dernier une étude portant sur la question des navettes domicile-travail – en tant qu'enjeu pour la Région – à partir de l'angle de l'adéquation ou de l'inadéquation des emplois aux actifs occupés par rapport à chaque territoire.
Selon cette étude, les déplacements domicile-travail sont souvent contraints par le fait que, localement, le nombre d'emplois correspondant à une catégorie sociale est différent du nombre d'actifs de cette même catégorie. Par exemple, le nombre d'emplois de cadres d'une zone peut être supérieur au nombre de cadres résidant dans cette zone ; certains cadres doivent donc "mathématiquement" venir travailler dans ce territoire. À l'inverse, si le nombre de cadres résidents est supérieur au nombre d'emplois, une partie d'entre eux vont nécessairement occuper un emploi correspondant à leur qualification hors de la zone.
Si l'adéquation des emplois ne garantit pas de faibles déplacements, l'inadéquation contribue assurément à les rendre plus intenses. Agir pour que le nombre d'actifs et d'emplois par catégorie se correspondent davantage dans une zone permettrait de réduire en partie les déplacements.
Autre fait sociologique à prendre en considération : le fait d'habiter une maison individuelle va globalement de pair avec la mobilité. Dans presque tous les territoires de la Région Rhône-Alpes, les actifs résidant en maison travaillent en effet plus souvent à l'extérieur de leur zone que les actifs résidant en appartement. Il manquerait alors au niveau régional environ 120 000 maisons individuelles et 20 000 appartements pour que les individus résident dans le territoire où ils travaillent, dans des logements de mêmes caractéristiques. Une politique visant à limiter la construction de maisons individuelles au profit d'appartements risquerait à l'inverse de ne pas permettre aux habitants de résider dans le type de logement qu'ils souhaitent occuper ou peut-être d'allonger encore leurs déplacements.
L'étude propose une typologie des territoires selon cinq types :
1. Les territoires "spécialisés" dans l'emploi (ex : bassin du Grand Lyon ou du Mont Blanc) où les actifs résidents parcourent les plus faibles distances (8,8 km en moyenne), mais où, en revanche, les actifs occupant les emplois parcourent les distances les plus longues (12 km en moyenne). Contrairement aux territoires résidentiels qui les entourent, ces territoires "pôles d'emploi" ne sont pas dépendants économiquement. Toutefois, dans un objectif de développement durable, le rééquilibrage entre les emplois et les logements dans ces zones reste un enjeu fort.
2. Les territoires "spécialisés" dans les logements (ex : Albanais, Dombes-Val-de-Saône Sud), relativement peu dotés en emplois et où la vocation résidentielle est affirmée. Ils sont ceux où la distance moyenne parcourue par les actifs est la plus importante (14,9 km en moyenne). La création d'emplois présentiels (ou non) correspondant aux qualifications des actifs résidents pourrait être un enjeu pour ces territoires.
3. Les territoires où les actifs "se croisent" en grand nombre (ex : Ardèche Verte, Plaine de l'Ain-Côtière) où les emplois sont très souvent occupés par des actifs qui ne résident pas dans la zone, tandis que les actifs résidents vont occuper des emplois ailleurs. Les enjeux sont la limitation des déplacements pendulaires et des émissions de CO2, mais aussi l'étalement urbain. Il faut agir sur les stratégies résidentielles et les comportements de mobilité, et arriver à faire occuper une plus grande part des emplois offerts localement par des actifs résidents.
4. Les territoires « équilibrés » (ex : Diois-Vallée de la Drôme, Espace Métropole Savoie) où le taux de couverture de l'emploi est proche de 100% et l'intensité des échanges avec les autres zones plutôt faible. L'enjeu principal de ces territoires bien équilibrés est de maintenir un développement endogène.
5. Les territoires "isolés" (ex : Ardèche Méridionale, Maurienne), très éloignés des pôles d'emploi régionaux et relativement difficiles d'accès par les voies de transport. L'enjeu pour ces territoires est de maintenir un développement local de l'emploi mais aussi du logement (logement principal hors résidence secondaire), particulièrement important pour les travailleurs saisonniers. L'enclavement leur donne certains avantages : moindre sensibilité à la conjoncture économique des territoires voisins, moins grande consommation d'énergie, meilleure qualité de vie... et des inconvénients : en cas de perte d'emploi, les actifs peuvent plus difficilement travailler quotidiennement dans un autre territoire.
Retrouvez ici l'intégralité de l'étude de l'Insee Rhône-alpes Emploi, logement, navettes domicile-travail : une équation difficile à résoudre, Luc Rigollet, Henri Lavergne (5 pages).