Les classes ouvrières en milieu rural
La Vie des idées s'est entretenu en 2018 avec le sociologue Nicolas Renahy, lequel revient sur la généalogie d'une longue enquête qui a abouti en 2005 à la publication de l'ouvrage Les Gars du coin. Enquête sur une jeunesse rurale, à partir d'un terrain de recherche dans un village bourguignon à côté duquel il a grandi. "Une jeunesse rurale dont l’enfance avait été profondément marquée par l’expérience parentale de la précarité puisque l’usine, principal pourvoyeur d’emplois, avait brutalement fermé en 1981 et mis 70 % de la population active du village au chômage." Il explique les changements socio-économiques des dernières décennies qui ont modifié le monde rural, ses classes populaires et en particulier sa jeunesse ouvrière. Il précise également le concept d'autochtonie, soit l’ensemble des ressources que procure l’appartenance à des réseaux de relations localisés, un capital qui "ne renvoie pas uniquement à de l’ancienneté résidentielle mais à quelque chose qui se construit, qui prend sens par l’implication dans l’espace public local et par la reconnaissance qu’on peut en tirer."
A propos de l'autochtonie"
"Tandis que les dominants, c’est-à-dire les classes moyennes ou supérieures, détiennent du capital culturel et du capital économique, les classes populaires n’ont ni l’un ni l’autre, ou très peu de l’un et de l’autre. Par contre, elles peuvent posséder un capital qui leur est propre, le capital d’autochtonie", à savoir des réseaux locaux et une connaissance intime de l’espace local.
"Dans Les Gars du coin, ce concept est utilisé pour désigner le capital constitutif de la force et de la fierté des milieux populaires. Mais il n’a de valeur que s’il est reconnu par les institutions. Qu’en est-il lorsque les entreprises et les services publics ferment, lorsque les communes perdent une grande partie de leurs prérogatives au profit des intercommunalités ? Le capital d’autochtonie n’a pas disparu mais il est affaibli par les nouvelles configurations spatiales et, dans certains contextes, il tourne à vide, il n’a plus de sens."
Mots-clés: jeunesse