Qu'est-ce que l'économie circulaire et pourquoi les déchets arrivent au denier stade de cette démarche ?
Alors qu'un rapport d'information a été déposé début septembre 2013 par la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sur la gestion des déchets dans le cadre des filières à responsabilité élargie des producteurs (dites "filières REP"), La Gazette propose un entretien avec François-Michel Lambert, député (EELV, Bouches-du-Rhône) et président de l'Institut de l'économie circulaire, qui permet de comprendre ce qu'est l'économie circulaire. Si ses bienfants pour les territoires ruraux ne sont pas mis en avant, on peut néanmoins les imaginer - ou les construire - au fil de la lecture.
Etraits :
Comment définir l'économie circulaire ?
Plusieurs définitions sont possibles. Dans sa philosophie, l'économie circulaire est orientée sur la préservation des ressources et leur utilisation optimale. Pour l'Institut, elle concrétise le passage d'un modèle de réduction des impacts (sur la ressource et les milieux) à un modèle de création de valeur, positive aux plans social, économique et environnemental. Elle rompt avec le schéma traditionnel de production linéaire, qui va directement de l'utilisation d'un produit à sa destruction et où la gestion des déchets se réduit à une conséquence du modèle de production. Elle y substitue une logique de boucle, où la création de valeur positive est recherchée à chaque étape (conception, usages, fin de vie du produit), en évitant le gaspillage des ressources. Ce qui est considéré comme un déchet dans l'économie linéaire, avec pour seule issue l'enfouissement ou l'incinération, peut, dans l'économie circulaire, avoir encore plusieurs vies. Il est courant de dire que le meilleur déchet est celui que l'on ne produit pas : c'est l'un des fondements de l'économie circulaire.
Comment les collectivités territoriales entrent-elles dans la boucle ?
La première entrée est la consommation. Avec l'offre de vélos et de voitures en libre service, les collectivités participent pleinement à l'économie de fonctionnalité, basée sur l'usage du bien et non sa possession. La mise à disposition de véhicules partagés permet une moindre consommation de matière pour les mêmes déplacements que ceux qu'auraient assurés des véhicules individuels. Et derrière, on génère de l'activité locale : gestion des utilisateurs, entretien du parc (...).
Hormis la mobilité, quels sont les champs sur lesquels les collectivités peuvent agir ?
En matière d'économie de fonctionnalité, tout est à inventer. Dans les villes où le logement est rare et cher, des buanderies partagées par les occupants d'un immeuble feraient gagner de l'espace à vivre voire du pouvoir d'achat, en ouvrant la voie à la négociation d'une décote auprès des assureurs, les lave-linge étant la principale cause de dégâts des eaux. Ces équipements collectifs existent en Suisse et en Allemagne. Dans un tel système, l'appareil ne deviendra pas un déchet après cinq à sept ans d'usage car il appartiendra, non au bailleur ou à la copropriété, mais à une entreprise dont la mission sera de mettre à disposition une machine qui lave le linge aussi bien et aussi longtemps que possible. Après vingt ans de fonctionnement du lave-linge, le prestataire le reconditionnera, revendra les métaux récupérables mais ne réinjectera pas un déchet dans le circuit géré par les collectivités (...).
Les collectivités peuvent-elles aujourd'hui passer ce type de marché ?
Non, le Code des marchés publics y est inadapté. Ce carcan leur permet juste d'acheter des ampoules en arbitrant entre les critères de durée de vie et de niveau de consommation. Le jour où les collectivités pourront passer un contrat portant sur un service d'éclairage avec un constructeur de matériels qui en reste propriétaire, il y aura moins de réverbères, moins de pannes, moins de consommation et un meilleur éclairage. Il reste que les collectivités sont d'ores et déjà une force motrice de l'économie circulaire par leurs politiques d'achat (de produits recyclés ou éco-conçus) et leur choix d'urbanisme. Elles pourraient être encore plus allantes. A Gardanne, un carrier vend des granulats issus à 50 % de la montagne et à 50 % du recyclage de matériaux provenant du BTP, de qualité équivalente et facturés 20 % moins cher. Ces derniers ne trouvent preneurs qu'auprès des acteurs privés, les collectivités s'en tenant à la matière vierge c'est-à-dire au produit qu'elles connaissent pour l'avoir toujours consommé.
Il faut donc, une fois encore, réformer le Code des marchés ?
Plus largement, nous appelons à une loi-cadre sur l'économie circulaire, loi-chapeau qui ouvrirait la voie aux évolutions législatives, réglementaires et fiscales nécessaires. Au cours des quatre dernières années, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suisse ont adopté de tels textes (...).
Qui serait mis à contribution ?
Les collectivités sont très engagées. Nombre d'entre elles, de tout niveau, sont membres de l'Institut, notamment les régions au titre de leur compétence sur le développement économique et l'Association des régions de France doit prochainement adhérer en propre. Beaucoup de collectivités (comme la ville de Grande-Synthe, le Pays d'Aubagne, le Smicval du Libournais Haute Gironde) s'engagent dans l'écologie industrielle, fondée sur l'échange de flux entre entreprises d'un même espace, les flux négatifs (sortants) de l'une devenant les flux positifs (entrants) de l'autre. Un tel schéma, où les activités sont liées, confère aux territoires une plus grande robustesse. Le monde économique est également intéressé par l'économie circulaire, un modèle de développement localisé qui allège le problème de l'accès aux matières premières. C'est en particulier le cas dans le BTP, confronté à la difficulté d'ouvrir des carrières. Les nouveaux projets nécessiteront une nouvelle gouvernance à l'échelle des territoires, associant collectivités, entreprises et associations. C'est ce que l'on observe avec le développement des sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic) dans le domaine des réseaux de chaleur, faisant coopérer acteurs publics, opérateurs privés et usagers.
Et le recyclage des déchets ?
C'est la dernière étape de la boucle de l'économie circulaire, que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) définit en sept points. Ce cercle vertueux a pour socle l'éco-conception des produits, que complètent l'économie industrielle et l'économie de fonctionnalité ainsi que le triptyque réemploi-réparation-réutilisation, le recyclage n'intervenant qu'en toute fin. Il s'agit là du stade ultime de la démarche, ce n'est pas par là qu'il faut engager la réflexion.