L’EIRL, un nouveau statut pour les entreprises

La loi du 15 juin 2010, suivie du décret et de l’arrêté du 29 décembre 2010, crée le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Francis Varennes, juriste fiscaliste spécialisé dans les questions de pluriactivité, répond à nos questions sur ce nouveau statut.

Pourquoi ce nouveau statut ?

Le nouveau statut a été créé avec trois objectifs. Au niveau juridique d’abord, l’idée est de protéger le patrimoine privé des entrepreneurs individuels à l’égard des créanciers professionnels, sans pour autant créer une personne morale. Sur le plan fiscal, ce statut permet aux entreprises individuelles d’avoir le choix du régime d’imposition des bénéfices, avec la possibilité d’opter pour le régime de l’impôt sur les sociétés. Sur le plan social enfin, l’entrepreneur peut maîtriser la base de calcul de ses cotisations sociales en cas d’application de l’impôt sur les sociétés.

Quelle est sa spécificité ?

L’innovation apportée par ce statut est de limiter la responsabilité financière avec la création de deux patrimoines. La notion de responsabilité limitée existe déjà dans les sociétés unipersonnelles et d’autres statuts préexistants comprennent les mêmes avantages. Dans certains milieux juridiques, ce statut est très contesté car le texte de loi comporte de nombreuses imperfections, mais aussi parce que l’EIRL remet en cause la notion d’unicité du patrimoine. Normalement, 1 personne = 1 patrimoine, mais avec l’EIRL, 1 personne = 1 patrimoine privé + 1 patrimoine professionnel.

Quel est l’intérêt de ce nouveau statut pour les agriruraux ?

Les cas de pluriactivité ne sont pas évidents à traiter. Cependant, comme il est possible de cumuler une entreprise individuelle classique, agricole par exemple, avec une EIRL, on peut imaginer qu’un porteur de projet agrirural qui projette une activité non-agricole risquée sur le plan économique pourrait la séparer de son affaire agricole sous la forme d’une EIRL. En cas de liquidation judiciaire de l’EIRL, les créanciers professionnels ne pourraient pas toucher au capital de l’entreprise agricole et au patrimoine privé.

Les questions à se poser sont donc : est-ce que je démarre avec un capital important ? est-ce que je vais avoir un volume d’affaires important et un risque de non-paiement pour ma seconde activité ? Si les deux réponses sont oui, alors on peut envisager l’EIRL comme une mesure de précaution.

Y a-t-il des précautions à prendre avant de l’adopter ?

Je souhaite apporter deux bémols.

D’une part, la notion de responsabilité limitée reste relative. En effet, quand on a des problèmes dans son entreprise, on a souvent des dettes pour lesquelles on a contracté des emprunts. Or, pour prêter de l’argent à l’entreprise, la banque a exigé des garanties. Le plus souvent, les organismes bancaires demandent des cautions ou des hypothèques sur le patrimoine privé, et ce n’est pas ce nouveau statut qui modifiera les pratiques des banques.

D’autre part, de mon point de vue, l’EURL aboutit au même résultat tout en étant plus claire. L’EURL est une SARL à un seul associé, ce qui suppose de créer une personne morale et c’est ce formalisme qui, bien souvent, dissuade les créateurs. Il faut démystifier la procédure de création d’une société : créer une EURL n’est pas plus compliqué que de créer une EIRL.