Innov'Rural 2014 : Territoires en transition... Jeunes en action !
La Plate-Forme régionale développement rural Rhône-Alpes a organisé les 3 et 4 décembre 2014 la 3ème édition d'Innov'Rural, la journée annuelle du réseau rural en Rhône-Alpes. Après Innov'Rural 2012, consacré à la création d'activités en milieu rural, Innov'Rural 2013 portant sur le thème des relations villes-campagnes, l'édition 2014 s'est penchée sur la jeunesse et la transition écologique.
Le compte-rendu des rencontres
Témoin des nombreuses initiatives qui pullulent sur le territoire à destination ou portées par des jeunes en milieu rural, Cap Rural a choisi de consacrer son séminaire annuel à l’action des 18-30 ans, notamment dans le cadre de la transition écologique. Les 3 et 4 décembre à Yenne, le Réseau rural Rhône-Alpes a réuni une centaine d’acteurs variés (associations, représentants des collectivités, entrepreneurs, citoyens jeunes ou moins jeunes…) afin de réfléchir ensemble aux défis que pose la jeunesse en milieu rural. Pourquoi et comment rester, partir, s’installer, s’intégrer, s’épanouir en milieu rural lorsqu’on est jeune ? Autant de questions qui, bien qu’elles puissent s’appliquer à toutes les tranches d’âge, se posent avec une singulière acuité pour la jeune génération, qui est de moins en moins présente dans le monde rural. La transition écologique a été présentée comme une opportunité de changer un système social, économique, démocratique, qui semble aujourd’hui opposer jeunesse et ruralité. Pour traiter ces questions essentielles, Cap Rural a souhaité innover dans la forme des échanges et faire de ce séminaire un moment de production riche et participatif.
Journée du 3 décembre
Les participants ont été amenés à discuter, en petits groupes, de trois questions-clés : les facteurs qui poussent les jeunes à quitter les territoires ruraux et, au contraire, à s’installer à la campagne ainsi que l’enjeu représenté par la transition écologique dans le monde rural et pour les jeunes. Les échanges organisés au sein et entre les tables, puis en plénière, ont permis de partager des visions du, ou plutôt, « des » mondes ruraux et « des » jeunesses. Ils ont aussi été l’occasion de porter des aspirations pour l’avenir ainsi que des retours d’expériences : de la Vallée du Lot à l’Ardèche en passant par les campagnes périurbaines du Rhône. Les participants ont ébauché de nombreuses pistes de travail, entre autres sur le rôle que doivent prendre les acteurs des territoires pour faire du monde rural, non seulement un espace attractif, mais aussi un espace ouvert qui se nourrit de la mobilité des jeunes en apportant des réponses à leurs projets individuels et collectifs.
La soirée s’est ensuite poursuivie de façon conviviale, autour d’un buffet et de nombreuses animations : un conte alimentaire de Yassir Yebba, des improvisations théâtrales sur les thèmes débattus dans l’après-midi (par les comédiens de la troupe PDG Cie) ainsi qu’un concert de musique festive par le groupe Tinkiette la Guinguette.
Journée du 4 décembre
Après une brève restitution des travaux de la veille, les participants ont été invités à se prononcer, par le biais du color vote, sur quatre enjeux extraits des échanges :
- La transition écologique non comme idéologie mais comme chemin nécessaire à suivre à notre rythme
- La désinstitutionalisation de la jeunesse : la jeunesse comme état et non comme statut
- La capacité des institutions à se laisser déstabiliser par des projets atypiques afin de faire évoluer les pratiques d’accompagnement
- La transition écologique : un levier prometteur pour repenser les rapports entre générations, entre ville et campagne, entre milieux sociaux…
Entre chaque enjeu, un court moment d’échanges ainsi qu’une présentation de projets par une structure partenaire étaient organisés :
- Céline Jabouyna de Familles rurales a présenté l’enquête sur la jeunesse menée auprès de 2 000 jeunes ainsi que des parents et des professionnels de la jeunesse
- Hugo Barthalay et Loïc Basset ont expliqué les travaux du MRJC Rhône-Alpes, dont le « Parlement libre des jeunes » qui permet de réunir des jeunes pour proposer des actions, lutter contre des préjugés, réagir à des lois
- Enfin, Sarah Feyt des Centres Sociaux Rhône-Alpes a fait part du travail de sa structure auprès des centres sociaux pour favoriser une approche moins institutionnelle qui mettrait chacun en capacité de réaliser les projets qui lui tiennent à cœur.
Après cette réflexion en plénière, la matinée s’est organisée en petits groupes autour de 14 projets innovants présentés par les porteurs. Les projets menés par et/ou pour des jeunes, au sein ou proches de la région Rhône-Alpes, recouvraient une grande variété de thèmes : de l’installation agricole à entrepreneuriat ou à la culture ; mais aussi de situations : projets subventionnés ou pas, anciens ou nouveaux, privés ou publics... Les présentations ont permis de découvrir les plus-values et les limites des projets et d’identifier des perspectives d’avenir.
Dans l’après-midi, il s’agissait d’« enquêter » sur un des cinq projets proposés : après une discussion avec le porteur de projet, les participants ont réfléchi en petits groupes aux manières d’amplifier les plus-values du projet, de développer de nouveaux aspects, d’essaimer des méthodes et des bonnes pratiques. Ce temps de production a également été l’occasion de rêver à de nouveaux dispositifs, de nouvelles manières de fonctionner qui permettent aux jeunes de prendre une plus grande part dans l’action, dans la décision et dans la vie des territoires : des formations Internet collectives en milieu rural, une bourse aux rêves, un annuaire des projets de jeunes, des quotas de jeunes dans les institutions…
La journée s’est achevée par une conclusion à deux voix : celle du sociologue Julien Joanny et celle de Samuel Bonvoisin, porteur du projet « L’Oasis de Sérendipe » dans la Biovallée (26). Pour permettre aux jeunes de mener leurs projets, ils sollicitent, pour le premier, la liberté de s’approprier un territoire vécu, pour l’autre, l’opportunité d’être écouté sans voir son projet rangé dans des cases. Pour sortir des logiques économistes et d’accumulation et entrer dans « l’ère du mieux », il s’agit, pour Julien Joanny, de mener une véritable révolution. La transition écologique qui entend valoriser les richesses des individus et de l’environnement peut-elle générer cette révolution ? C’est possible, selon Samuel Bonvoisin, si elle ne tombe pas dans les écueils du développement durable…
Premières propositions de mise en perspective du séminaire
Cap Rural et le Collectif Ville-Campagne présentent les premières propositions de mise en perspectives des rencontres de Yenne des 3 et 4 décembre 2014 portant sur "jeunesse, territoires et transition".
A la lumière des enseignements de la rencontre "Territoires en transition… Jeunes en action !" et de ce qui s’est dit et écrit, nous pourrions peut être extraire trois domaines de réflexion/amélioration. Ces domaines, qui sont à croiser, pourraient être autant de pistes de chantiers à ouvrir pour les acteurs territoriaux, sociaux ou associatifs qui souhaiteraient aller plus loin dans l’action et l’innovation.
Remarques d’ordre général
La dimension d’approche "collective" ainsi que la dimension "test" semblent ressortir comme des éléments de méthode et d’actions susceptibles de marges de progrès. Ils apparaissent comme des signaux forts de ce séminaire.
L’aspect "culturel" de l’image et de l’identité des jeunes dans notre société est rarement abordé dans les politiques actuelles (vision technique et statistique des jeunes, clichés et archétypes tenaces). Pourtant cela semble être une des clefs de la problématique.
Premier domaine : les cycles et les étapes favorisant les initiatives des jeunes sur les territoires
Nous pourrions en distinguer quatre :
1. La "fermentation"
Quelles seraient les conditions favorables permettant aux jeunes, ruraux ET citadins, de se projeter dans des métiers, activités, entreprises sur les territoires ruraux ? Peut-être faut-il "investir" dans des démarches moins "frontales" vis-à-vis du projet professionnel et privilégier le sens, les aspects sociaux, les rêves, les valeurs.
2. La "maturation"
Quels seraient les dispositifs, les méthodes, les outils permettant aux jeunes de tester, de mûrir et de peaufiner leurs projets professionnels. Ceux-ci devraient prendre en compte les aspects professionnels et les aspects liés au projet de vie.
3. La "réalisation"
Comment favoriser l’implantation et le démarrage des activités et leur consolidation.
5. La capitalisation et la diffusion
Comment assurer l’accès et la circulation des expériences et des initiatives tant au niveau des "territoires" que des jeunes eux-mêmes (formations, stages, réseaux sociaux ?).
Second domaine : du côté des "professionnels" et des outils
Quatre domaines nous semblent être interrogés :
1. L’animation
Quels sont aujourd’hui les professionnels de l’animation et où les trouve-t-on ? Quelles sont les méthodes et les moyens ? Quels sont les liens entre ces professionnels et quels sont les liens entre leur territoire d’actions (ville/campagne notamment) ?
2. L’accompagnement
Quels seraient les lieux d’amélioration des pratiques et méthodes d’accompagnement ? Y-a-t-il des facteurs, des postures, des ingrédients à inventer, à construire, à tester ? Un double accompagnement vie professionnelle et vie sociale semble être une des clefs de progrès.
3. L’outillage
Quels seraient les outils (dispositifs, lieux, financements…) à modifier, à adapter ou à inventer pour faciliter l’insertion (professionnelle et sociale) des jeunes ?
4. La coopération
La coopération entre territoires, entre jeunes, entre entreprises, entres organismes et structures de formations initiales ou professionnelles semble représenter là aussi une des clefs de progrès.
Troisième domaine : du côté "territoire"
Pour le "territoire" et ses acteurs qui ont en charge de l’incarner, quelques questions clefs pourraient servir de socle à la réflexion-action et à l’expérimentation. Ces questions sont à réfléchir sous l’angle de la mise en transition écologique des territoires.
1. Territoire désirable et praticable : relier les aspirations et les modes de vie des jeunes aux aspirations professionnelles (vie sociale et vie professionnelle). Quels ponts existent et quels ponts sont à construire ? Quels seraient les dispositifs à construire, à utiliser et/ou à relier pour faciliter l’épanouissement des jeunes générations (vie sociale, vie professionnelle) sur le territoire ?
2. Territoire, jeunes et gouvernance : quelle place et quels rôles peuvent-ils tenir dans le projet de territoire et dans l’élaboration de politique ? Quel "pouvoir" et quelle autonomie leur laisser dans la mise en œuvre de politique ?
3. Territoire proactif/volontaire : quelles sont les offres que le territoire peut/doit construire et/ou proposer (logements, mobilités, activités, formations, ambiance…) ?
4. Quelles expérimentations pourraient-elles être lancées en lien avec d’autres territoires notamment sous l’angle de la coopération ? Quelles seraient les coopérations possibles entre secteurs d’activités, entre entreprises ?
Mots-clés: transition écologique, jeunesse