"L’essor des pratiques d’économie collaborative, depuis le début des années 2010, réinterroge les façons de travailler, de produire et de consommer", lit-on dans La gazette en introduction d’un dossier consacré à la manière dont les collectivités appréhendent l’économie collaborative. Si ces pratiques, très diverses, sont le plus souvent à l’initiative d’individus ou de collectifs, les collectivités commencent à intégrer ces nouveaux usages. Plus qu’en tant que porteuses de projets, elles interviennent dans le cadre du partenariat (soutien financier, mise à disposition de bâti…) avec l’idée que, s’il existe des "tiers-lieux" sur leur territoire, cela bénéficiera aux habitants et à l’économie locale. Elles se positionnent ainsi dans une logique d’animation territoriale et de mise en réseau des acteurs. En Aquitaine, la région a impulsé la création de la coopérative "Tiers-lieux – travailler autrement en Aquitaine" et confié la gestion aux initiateurs de l’Arrêt minute, espace de co-working créé à Pomerol (700 habitants en Gironde). Dans certains cas, la valorisation des organisations collaboratives s’inscrit dans la stratégie même de développement économique de la collectivité, comme à Saint-Étienne. Certaines des pratiques d’économie collaborative peuvent par ailleurs s’articuler avec les politiques publiques locales, comme l’habitat participatif dans le secteur du logement.
L’Institut national du travail de l’emploi et de la formation professionnelle (Intefp) et le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) restituent dans une publication de décembre 2017 des travaux menés sur les nouvelles formes de collaboration et de coopération (de l'entreprise "libérée" aux coopératives ou aux groupements d’employeurs) à l'heure où la numérisation accélère les changements économiques et sociaux.
"Peu, ou pas de dépenses pour la mairie et des gains pour les citoyens. Face à la crise, certaines communes commencent à promouvoir auprès de leurs administrés des solutions "collaboratives" leur permettant de regagner un peu de pouvoir d'achat : louer la chambre du grand parti étudier, revendre le vélo du petit ou faire des achats groupé", rapporte Le Courrier des maires qui décrit sur le sujet trois expériences menées dans des petites communes : organiser un achat groupé d'énergie, créer un "bon coin" communal, valoriser les chambres inoccupées.
La Mutinerie, espace de coworking à Paris, a annoncé en juin 2015 le lancement de MutCamp, "un programme en immersion qui allie l’entrepreneuriat avec un mode de vie simple, authentique et collaboratif". Cet "accélérateur rural" s'adresse aux porteurs de projets ayant une idée de startup, d’application ou de projet entrepreneurial, en lien avec l’économie collaborative, l’open-source, le mouvement des makers, l’écologie ou l’agriculture. Les quatre entrepreneurs sélectionnés sont "accélérés" pour une période de trois mois dans une ferme de 45 hectares basée dans le Perche, à 1h30 de Paris, lieu de "coworking et de coliving rural" ouvert en 2014. Ce lieu, baptisé "Mutinerie Village" propose le gîte et le couvert, un espace de coworking, un atelier de fabrication numérique, un potager en permaculture, et d'y croiser des entrepreneurs, développeurs, designers, architectes ou journalistes…
"L'économie collaborative est une réalité au quotidien pour tout un chacun, mais elle fait encore peur à nombre de collectivités", annonce la une d'un dossier de La Gazette consacré au sujet. Et l'hebdomadaire de s'interroger : et si l’économie collaborative était l’une des solutions aux nombreux défis que sont des budgets contraints, des territoires plus grands, les enjeux environnementaux, des évolutions des modes de vie avec des habitants qui attendent, eux, toujours autant de leur collectivité… l’échelon de la proximité ?
Les initiatives mises en avant lors des trois webconférences organisées par Cap Rural en 2016 sont des expériences porteuses de nouvelles formes d’économies rurales ; elles pourraient être qualifiées d’économie circulaire pour certaines, d’économie collaborative pour d’autres. Ces nouvelles formes d’économies rurales permettent de créer de nouvelles activités (génératrices de revenus, d’emplois) dans un état d'esprit de liens avec les acteurs locaux, de réponse à des besoins des territoires et/ou de valorisation de ressources locales. Aussi, il semble intéressant de repérer en quoi elles confortent ou bousculent des éléments de la méthode de construction d’offres d’activités (COA).
Covoiturage, location de logements, troc, échanges de biens, de services ou de connaissances, dons, espaces de travail partagés, ouverture de recycleries et de Fab Labs, l'économie dite du partage se développepe en France. Face à la complexité de cette économie, qui repose sur de nombreux modèles (plateformes internet, relations de proximité), "l'enjeu pour les décideurs locaux est d'inscrire les initiatives des citoyens et des acteurs économiques locaux dans des dynamiques d'enrichissement mutuel" écrivent les auteurs de la note d'analyse "Villes et territoires en partage - L'économie collaborative au service des territoires". Pour permettre aux responsables locaux et aux élus de jouer ce rôle de facilitateur, cette note détaille des leviers d'actions potentiels sur la base de trois grands axes de politiques publiques : voir, faire savoir et promouvoir l'émergence des initiatives sur les territoires. A savoir notamment : cartographier les acteurs collaboratifs du territoire pour favoriser le partage entre toutes les organisations et les citoyens, co-construire et promouvoir les dynamiques collaboratives autour d'événements de grande ampleur.
En 2016, Cap Rural organisait trois sessions sur de nouvelles formes d’économie rurale. Sous forme de webconférences, quatre expériences ont été explorées :
L’écologie industrielle et territoriale, avec l’expérience de la Biovallée
Des initiatives collectives créatrices de projets d’activités, avec les expériences du Château partagé (habitat participatif) et de Jaspir (Jeunesse Animation et Spectacles Pour Investir la Rue)
Mylène Thou, chargée de mission Valorisations des recherches et Innovations à Cap Rural, décortique ces expériences sous l'angle de l'innovation, et plus particulièrement de l’innovation sociale et territoriale, pour tirer des enseignements et répondre à la question suivante : comment crée-t-on des innovations sur un territoire ?
Cap Rural a organisé en 2016 un cycle de trois webconférences pour découvrir des expériences porteuses de nouvelles formes d’économies rurales, analyser les conditions de leur réussite et leur contribution à la transition écologique des territoires. Une trentaine de personnes a participé à ces webconférences. Trois entrées ont permis de traiter ce sujet à partir de l’exploration d'initiatives et de l’intervention de personnes ressources.
L’écologie industrielle et territoriale, avec l’expérience de la Biovallée, par Nicolas Sizaret, ex-chargé de mission et Denis Cocconcelli, directeur du CIRIDD (Centre International Ressources et Innovation pour le Développement Durable).
Les living lab et l’économie collaborative, avec David Pomato du Comité d’expansion de Drac Buech Durance, et Claude Janin, chercheur associé de l'unité mixte de recherche Pacte Grenoble.
Des initiatives collectives créatrices de projets d’activités, avec Annick Foucrier du Château partagé (habitat participatif) et Cédric Cremades de Jaspir.
Suite à l’exploration de ces différentes entrées, cinq éléments clés se dégagent pour repérer quelles peuvent être ces nouvelles formes d’économies rurales.
A l'été 2017, le château de Nanterre (92), en friche depuis une dizaine d’années après avoir été une fabrique de dentifrice, deviendra un lieu de transition écologique en matière d’alimentation. On y trouvera : des bureaux et un espace de coworking ouverts à des entreprises ayant un impact social et environnemental positif dans le domaine de l’alimentation ; un incubateur qui proposera à des cuisiniers éco-responsables de partager des cuisines professionnelles ainsi que des ateliers culinaires ouverts au public pour se familiariser avec les bonnes pratiques alimentaires et la transition écologique ; un parc avec espaces de maraîchage, ruches, poulailler et bacs à compost pour sensibiliser les visiteurs à la biodiversité et à la permaculture ; et enfin un jardin thérapeutique qui prendra en charge des personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire et approvisionnera l’aire de restauration et l’épicerie du Château.
"Sharitories" est l'étude menée par Ouishare et Chronos sur les pratiques de l’économie collaborative (partage, troc, financement participatif, gouvernance partagée, tiers-lieux, fablabs, recycleries...) dans quatre villes moyennes françaises et quatre terrains de comparaison européens. Selon les conclusions, ces territoires devraient développer des politiques publiques qui misent sur la participation et la collaboration : valoriser leur "niveau de proximité" leur permettrait de développer une dynamique collective qui reste plus difficile à mettre en place dans un cadre métropolitain. Outre le relevé et l'analyse de ses différents terrains, l'étude propose également "une feuille de route pour initier des pratiques collaboratives" sous forme de fiches-actions répondant "aux enjeux des villes moyennes" et destinées "à tous les acteurs des villes moyennes qui souhaitent faciliter l’émergence de pratiques collaboratives" : collectivités territoriales, entreprises, startups, associations, collectifs d’habitants ou d’entrepreneurs...