Vitalité sociale : coconstruire cette notion sur son territoire au profit du développement local
Anne Le Roy, maître de conférences et co-Responsable du master 2 "Évaluation et management des politiques sociales" à l'université Pierre-Mendès France de Grenoble, mène une recherche action sur l'élaboration d'Indicateurs du Bien Être Soutenable Territorialisé (IBEST). Elle met en œuvre une approche "bien être et santé sociale" pour mesurer les ressources non monétaires des quartiers et leurs impacts sur la satisfaction et le bien-être des habitants. Le 5 mai 2015, lors d'une session organisée par Cap Rural, Anne le Roy a décrypté la notion de "vitalité sociale". Si aucune prédéfinition n'existe à ce jour, ni d'outil prêt à l'emploi, cette notion considère la dynamique d'un territoire en s'intéressant aux conditions de son développement, de progrès compris en termes de capacités à vivre ensemble et de coresponsabilité pour l'assurer. Il revient ensuite aux acteurs du territoire/ou concernés par l'action, de coconstruire sa signification en vue d'agir pour révéler des ressources non visibles qui contribuent au vivre ensemble et qui sont de potentiels leviers à de nouveaux projets, à la création de richesse locale, au service du mieux être pour tous.
Points clés pour l'agent de développement
- Proximité de cette notion et de sa mise en œuvre avec la finalité et les méthodes du développement local
- Cohérence de la démarche avec sa finalité
- Actualité et opérationnalité (le Conseil de l'Europe promeut cette approche et diffuse une base méthodologique à s'approprier et à faire évoluer par un travail collaboratif et une mise en réseau des acteurs)
- Richesse pour les acteurs du développement local
La démarche
Travailler "la vitalité sociale" implique une démarche participative conçue comme un processus d'apprentissage collectif. Elle implique les acteurs et s'appuie sur :
- La participation des citoyens concernés pour observer, questionner le territoire et construire une vision partagée
("on ne peut pas bâtir un nouveau regard seul", "seuls les citoyens peuvent définir ce qu'est le bien-être pour eux") - Une opérationnalité coconstruite en cohérence avec la finalité
("les outils et les méthodes sont véritablement au service de l'acteur et de l'action publique locale" ; "ils font sens")
Suivant les besoins, plusieurs méthodologies sont articulées (ex. : enquête quantitative, analyse experte), les outils qui manquent sont créés (ex. : des indicateurs alternatifs) - Une approche transversale et non sectorielle (économie…)
- La considération de toutes les richesses (et non seulement celles économiques ou monétaires ou celles chiffrées)
- Une dynamique permanente
Les observations sont contextualisées
("le regard se porte sur l'histoire, le présent et le futur ; les réalités économiques sont par exemple observées en lien avec l'environnement socio-économique (la performance économique dépend du contexte) et en dynamique (dans leur déroulement)")
Les acteurs ont une attitude réflexive et réactive : "on définit /on fait / on expérimente / on évalue/on ajuste", "en permanence on croise les regards, on confronte les points de vue".
Elle nécessite une démarche volontaire et engagée des citoyens et des professionnels, la création des conditions favorables à la participation (la confiance, oublier les préjugés…), l'acceptation de la confrontation, de changer son regard, voire de réinterroger le projet mené (objectifs, moyens…).
Vitalité sociale et développement local
Pour les participants à la session organisée par Cap Rural, cette notion/démarche peut servir à :
- Nourrir le contenu et la mise en œuvre d'une stratégie de territoire
- Renforcer des démarches participatives de CLD
- Renouveler son regard en permanence
- Faire émerger des projets à partir des démarches collectives (nourrir l'imaginaire, repérer…)
- Décloisonner les acteurs du territoire (ex. : relations urbain et rural)
- Revisiter les indicateurs d'évaluation de projets
- Évaluer des pratiques professionnelles qualitatives (comme la fonction d'animation cœur du métier d'agent de développement), des richesses non comptabilisées ou non répertoriées d'un territoire, des actions de structures associatives
- Enrichir des diagnostics avec d'autres indicateurs pour rendre visibles des éléments non comptabilisés (telles que l'accessibilité à des services, l'existence d'une offre non considérée statistiquement mais importante pour le territoire [ex. : sur un contrat local de santé, une offre importante de santé alternative qui n'apparaît pas dans les données statistiques INSEE]).
Pour aller plus loin
Un powerpoint à découvrir : Anne Le Roy était intervenue le 5 juin 2014 lors de la 4ème journée du cycle thématique LEADER organisé par Cap Rural à destination des territoires candidats à LEADER 2014-2020.
La méthode Societal Progress Indicators for the Responsability off All (SPIRAL), initiée par le Conseil de l'Europe, qui "propose un cadre méthodologique aux citoyens, acteurs publics et privés, qui veulent agir ensemble, dans la coresponsibilité pour le bien-être de tous aujourd'hui et demain". La méthodologie SPIRAL a son propre site web. Et tous les acteurs de SPIRAL (territoires, acteurs collectifs) se sont constitués en un Réseau international, du nom de TOGETHER, lequel a la volonté de développer de nouvelles formes de coresponsabilité tout aussi bien auprès des acteurs collectifs (privés ou publics) que des citoyens et habitants, afin de travailler à améliorer le bien-être de tous, en tenant compte des générations futures, sur des bases inclusives et équitables.
A propos des indicateurs alternatifs
Leurs objectifs est de permettre dans un monde où que "ce qui compte est ce qui est compté", après avoir utilisé les données existantes, de créer des données manquantes pour :
- Repérer les richesses/ressources des territoires non révélées par les indicateurs classiques (comme sur un contrat local de santé : observer une offre importante de santé alternative alors qu'elle n'apparaît pas dans les statistiques ; sur le mieux vivre ensemble)
- Évaluer certaines fonctions invisibles, certaines politiques publiques (ex. : politique de la ville...)
- Avoir un suivi-évaluation autre qu'une approche seule économique ou quantitative
Forme des indicateurs alternatifs :
- Indicateurs synthétiques composés de plusieurs indicateurs pondérés
- Tableau de bord
- Mixte des deux premiers points
Quelques alertes :
- Un chiffre sans son mode de production ne vaut rien ! il est indispensable d'expliquer pourquoi on choisit cet indicateur, de préciser comment il a été construit, ce qu'il dit et ce qu'il ne dit pas
- Un indicateur a une fonction d'alerte mais ne il ne dit pas tout d'une réalité
- Les indicateurs ne sont pas figés, ils sont à faire vivre (un même indicateur peut mettre en valeur des ressources ou des symptômes)
- Et attention à la dérive car certains indicateurs alternatifs participent seulement à des démarches marketing !
Pour aller plus loin :